martes, 10 de febrero de 2009

HOMENAJE A ULRICH ZACHERT, AMIGO Y COLEGA ALEMÁN, EN SU JUBILACIÓN

CRÉATION D’EMPLOIS, MARCHÉ DU TRAVAIL ET DROIT DU TRAVAIL :L’EXPÉRIENCE ESPAGNOLE[1].

Antonio Baylos
Université Castilla La Mancha


SOMMAIRE: 1.- La mise en accusation du droit du travail et le processus d’implantation de la flexibilité du travail dans le système espagnol des relations du travail. 2.- Le collectif et l’individuel dans le processus de flexibilisation. 3.- Le changement de cap : la promotion de la stabilité de l’emploi comme politique publique 4.- Les espaces décollectivisés, les sujets faibles. 5.- « Le futur n’est pas derrière nous ». 6.- Les lectures qui accompagnent le voyage.


« J’insiste : la réforme du Droit du travail n’a pas été faite pour valider ou accepter des revendications des entrepreneurs ou des syndicats, mais pour créer de l’emploi. »
José Antonio Griñán Martínez, Ministre du Travail espagnol (1995).

Trente ans après la fin de la transition espagnole vers la démocratie, le rapport entre le droit du travail et le marché du travail constitue un thème récurrent. Ce n’est pas en vain que les juristes du travail européens de la fin du XX ème siècle ont réfléchi à ce sujet. Ce texte concerne l’expérience qu’offre l’ordre juridique espagnol qui est un modèle classique d’un type de relation entre les deux catégories. L’évolution, dans ce contexte, du couple individuel/collectif est un axe des formes régulatrices du travail et de l’emploi.

Le cas espagnol est exemplaire dans un double sens. D’une part, il montre un droit du travail qui est valorisé en fonction de l’évolution du marché du travail et du niveau de postes de travail qu’il permet de maintenir, et ce sans tenir compte de la dimension du travail comme mode d’existence sociale et comme facteur de cohésion sociale. Le travail est en effet l’axe d’attribution des droits basiques de la citoyenneté. D’autre part, il permet d’étudier l’évolution de la relation entre marché du travail et droit du travail, à la manière d’une fable conforme, peut-être, au style des contes moraux de Rohmer, films si appréciés du public français. Le conte moral qui se dessine est plus prosaïque, sa morale plus évidente. C’est le prix d’une narration qui s’adapte à la réalité des faits et non à sa reconstruction idéale, toujours embellie, conformément aux canons idéologiques à la mode qui exigent une fin heureuse.

1.- Mise en accusation du Droit du Travail et processus d’implantation de la flexibilité du travail dans le système espagnol des relations du travail.

Le point de départ est connu. Le système juridique du travail espagnol incorpora dès la première étape de construction démocratique, après la promulgation de la constitution de 1978, un type de relation entre le marché du travail et le droit du travail où ce dernier se soumettait au marché du travail comme élément central de sa structure dynamique normative. La coïncidence entre l’implantation du système démocratique des relations du travail et la crise économique des années soixante-dix, et sa répercussion dans les différentes économies nationales européennes en terme de destruction d’emplois, a produit, dès le début, dans le système espagnol, une relation de cause à effet entre le système de garanties que prévoyait le droit du travail et le processus de perte accélérée de postes de travail, et par conséquent la mise en accusation du droit du travail. C’est vrai que cette mise en accusation intervient dans un contexte de changement de modèle politique, où subsistent des traces de l’« ancien régime », c'est-à-dire des éléments propres aux situations d’autoritarisme social que le franquisme consolida, comme par exemple des garanties étatiques en matière de conditions de travail tant au niveau général qu’au niveau sectoriel. De cette manière, une partie de la culpabilité du droit du travail – sa régulation qualifiée de rigide et d’étatique des conditions de travail – se transmettait à l’ensemble de significations qui n’étaient plus en vigueur dans la modernité démocratique, car elles étaient solidement unies à un monde autocratique, déjà dépassé, et incompatible avec les nouvelles exigences de l’économie libre.

Avec cette stratégie de mise en accusation, le droit du travail subit un changement positif quant à sa justification comme mode de régulation du travail dans la société espagnole démocratique. Il se sépare de la signification purement démocratico-politique du travail réglé dans la Constitution, avec toute sa complexité et son ambivalence dans le cadre de la liberté d’entreprise et de la libre économie de marché, et se déplace vers une valorisation en rapport direct avec la capacité des normes juridiques du travail de se conformer à la situation du marché de travail. Ainsi le droit du travail comme ensemble normatif est légitime dans la mesure où il procure un niveau acceptable ou parfait d’emploi dans le pays. Ceci implique l’hégémonie des politiques publiques d’emploi sur les mécanismes de création du droit du travail. L’efficacité –et la validité– des normes du travail sont mesurées à l’aune de leur impact sur le marché du travail. On exige du droit du travail des résultats économiques par rapport aux objectifs, Cette orientation valorise le droit du travail en terme d’efficacité par rapport à la situation du marché du travail. Par ailleurs, sont mises en question des règles jugées inefficaces ou soupçonnées de freiner l’embauche.

Les conséquences de cette situation sont connues, elles ont déterminé les différentes évolutions du droit du travail espagnol à partir de 1978. La démolition du système basique de protection du travail salarié –le principe de stabilité dans l’emploi– s’appuya sur un nouveau fondement des relations de travail : la flexibilité. De cette façon, on insistait sur la flexibilité externe, c'est-à-dire la rupture du prototype normatif du contrat à durée indéterminée comme formule d’insertion du travailleur salarié dans les activités ordinaires de l’entreprise et son remplacement par des formules temporaires. On évite ainsi les coûts dérivés du licenciement injuste et la garantie judiciaire du droit au travail qui découlait de ce système. En Espagne, à partir de 1979, le processus de flexibilisation s’est imposé pendant vingt ans avec des réformes entêtées, dénommées symptomatiquement, réformes du marché de travail. On sait très bien que ces initiatives n’ont jamais obtenu les résultats escomptés, et les conséquences ont été la hausse du chômage accompagnée d’une fragmentation et d’une précarisation de la population salariée. Avec la foi du meilleur des croyants, les pouvoirs publics se hâtent d’adopter des formules contractuelles temporaires , favorisées par d’importants bénéfices fiscaux, convaincus que l’unique manière de générer de l’emploi est de créer des postes de travail dont la suppression n’aurait aucun coût pour les entreprises. La star de cette politique d’emploi s’appela, de manière cohérente, contrat de promotion de l’emploi, mais dans son titre, ne figurait pas sa caractéristique fondamentale : son caractère temporaire avec un minimum de six mois, susceptible de prorogations successive jusqu’à un maximum de deux ans.

Cette obsession de la flexibilisation est conforme aux efforts des employeurs espagnols pour éliminer le travail stable et le remplacer par du travail temporaire, effet de remplacement qui fut encouragé par des exonérations fiscales. Néanmoins, les avantages attendus de la flexibilisation en terme de répercussions sur le marché du travail et la situation de l’emploi n’ont pas réduit le niveau de chômage qui n’est jamais descendu au-dessous du 15% de la population active et qui a même atteint 22%. Parallèlement, sont apparus une énorme bourse de travail flexible concernant 33% des travailleurs salariés et un marché de travail fractionné en deux grandes collectivités de stables et de précaires, en sachant que le travail flexible touchait surtout les femmes et les jeunes. Le discours de la flexibilisation devenait circulaire et fermé, il continuait à culpabiliser le droit de travail et mesurait sa raison d’être en terme d’efficacité, mais il empêchait aussi de valoriser les mesures de « modernisation » du système normatif du travail, œuvre des gouvernements successifs (soi-disant socialistes) du moment.

2.- Le collectif et l’individuel dans le processus de flexibilisation.

Le syndicat est complètement exclu de ce processus. Peut-être, est-il préférable de dire que, dans l’expérience espagnole, on ne reconnaît pas une dimension collective de la flexibilité. Le mécanisme mis en place par la norme reposait essentiellement sur la description complète du type contractuel –des caractéristiques du travail atypique– et de ses conditions de mise en oeuvre. Or la régulation juridique était concentrée exclusivement sur la dimension contractuelle/individuelle de la relation temporaire créée et dessinée par la norme étatique. Le système se fermait par la prévision d’une tutelle juridique du travailleur individuel face à « l’utilisation déviée » des types contractuels flexibles. Ceci impliquait donc le renvoi à la protection judiciaire de ces droits au travers du prisme de la « fraude à la loi » dans l’embauche temporaire. Cependant, l’action de tutelle de la juridiction du travail a été rapidement rattrapée par la logique autoréférentielle des exigences organisatrices de l’entreprise.

Dans cette politique d’emploi, il n’y a aucune place pour la convention collective comme instance de médiation et de régulation du travail flexible. Dans l’expérience espagnole des années 80, il n’existe aucun échange entre garanties individuelles et collectives, ni remplacement des garanties de la stabilité dans l’emploi assurées par la norme étatique par des règles collectives négociées entre les syndicats et les organisations patronales. Le syndicat –qui, en cette époque historique, bénéficiait d’un processus d’institutionnalisation très marqué dans une situation de grande division entre les deux confédérations les plus représentatives– découvre que son mode d’existence sociale se fracture en deux grandes collectivités. Il est de plus en plus fort dans le groupe des travailleurs stables –hommes majoritairement d’âge mûr– mais perd sa capacité d’implantation dans les strates « d’insertion faible » dans le marché, où s’opère une rotation de jeunes et de femmes du travail précaire au chômage. Le syndicat est conscient de cette fissure et pense pouvoir y remédier. Nier la gravitée des faits est très humain. Le problème posé ne semble jamais si terrible ni la réponse si urgente, même si, paradoxalement, ce qui est en jeu c’est la propre existence du syndicalisme confédéral comme projet unitaire de représentation de la force du travail global, et c’est cette même radicalité du dilemme qui explique une certaine apathie syndicale dans la réponse.

Il est vrai aussi que le syndicalisme espagnol était tout au long des années 80 du dernier siècle divisé. Les liens classiques entre l’Unión General de Trabajadores (UGT) et le gouvernement socialiste ne se dissoudront –et de manière traumatique– qu’en 1988, après l’appel à la grève générale conjoint avec la Confederación Sindical de Comisiones Obreras (CC.OO.) et son succès contre une nouvelle mesure de diminution du coût du travail (des jeunes et des femmes) par la création d’un contrat d’insertion qui a échoué et qui était très semblable à celui qu’au XXIème siècle du contrat premier emploi (CPE) que le gouvernement français avait tenté d’imposer. Depuis, le syndicalisme espagnol agit, de façon unitaire, par l’intermédiaire du dialogue social, sur les conséquences sociales de la précarité et par l’intermédiaire de mesures de correction des types légaux du travail flexible, établissant quelques « précautions » avant son utilisation. La jurisprudence affaiblira cependant ces corrections en assumant dans ses principes interprétatifs la flexibilisation comme manière de gouverner les relations de travail confiée à la décision organisatrice de l’entrepreneur.

La dimension collective interviendra très tard et de manière ambivalente. D’abord, par la voie du dialogue avec le gouvernement, les syndicats imposent une obligation d’information relative aux contrats temporaires au profit de la représentation du personnel. Mais ce contrôle n’est efficace que s’il conduit à une annulation de l’embauche incorrecte, ce qui peut seulement se faire avec l’aide des inspecteurs du travail ou par l’action individuelle du travailleur concerné. L’action des inspecteurs ne fut jamais dissuasive et le déplacement de l’efficacité du contrôle collectif à la réponse individuelle des travailleurs annula toute virtualité pratique à la mesure légale d’information des représentants des travailleurs.

Par contre, l’importante réforme du Statut des Travailleurs, adoptée en 1994 à la quasi-unanimité de tous les groupes politiques représentés au Parlement –excepté Izquierda Unida, permit à la négociation collective de d’encadrer au niveau sectoriel et de l’entreprise les contrats flexibles en fonction de leurs particularités. L’orientation de la réforme était claire et nette. Il fallait fournir aux conventions collectives sectorielles et d’entreprise la possibilité d’établir, compte tenu des intérêts du secteur et de l’entreprise, les limites légales des formes atypiques d’emploi temporaire, spécialement les contrats « classiques » de travail à durée déterminée. On autorisait ainsi, la négociation collective à préciser librement au delà des limites que signalaient les figures légales, les contenus concrets quant à l’extension et la portée de ces contrats « atypiques ». Cet élan vers plus de flexibilité fut suivi de manière significative par une partie des négociateurs, aussi bien au niveau sectoriel qu’au niveau des d’entreprises. La négociation collective développa dans une large mesure, au delà des limites légales, la fragmentation entre travailleurs stables et précaires qui était la base de la réforme du travail de 1994.

3.- Le changement de voie : la promotion de la stabilité du travail comme politique d’emploi.


Néanmoins, le résultat était extrêmement insatisfaisant, aussi bien pour un syndicat incapable d’arrêter une spirale de précarisation des relations du travail que pour un employeur qui commençait à constater les effets dévastateurs d’une évolution où les plus jeunes et qualifiés ne trouvaient pas d’insertion permanente sur le marché de travail et, pour ceux qui avaient intégré une entreprise, aucune possibilité de promotion professionnelle. Et tout ceci dans un contexte économique où le chômage continuait à avoir une présence inévitable dans la rotation et destruction des postes de travail. En effet, même si la situation politique était moins propice, –défaite du PSOE aux élections de 1996 (en grande partie à cause de son attitude antisyndicale deux années auparavant) et formation d’un gouvernement du PP avec une majorité relative– il était raisonnable d’attendre un changement de direction. C’est ce qui arriva avec les très importants accords interconfédéraux de l’année 1997, qui continuent encore à faire débat, fils illégitimes de la tendance de la réforme de 1994 ou, au contraire, changement de voie face aux indications de flexibilité. D’une manière ou d’autre, le conte moral est basé sur les accords entre l’organisation patronale espagnole et les deux syndicats les plus représentatifs au niveau national, des faits qui donnèrent un vrai changement de voie par rapport aux choix des vingt années précédentes.

Les accords de 1997 supposent une récupération de l’autonomie collective et du projet syndical comme axe de la relation entre droit du travail et marché du travail. Dans ces textes –surtout dans l’accord sur la négociation collective et dans l’accord sur la stabilité de l’emploi– la dimension collective est l’élément principal du rapport classique entre travail et emploi, entre la tutelle des droits des travailleurs et la situation du marché de travail. Il se produit un changement de paradigme dans cette correspondance travail/emploi. L’axe de cette relation se canalise maintenant au travers du contrat pour l’encouragement à l’emploi stable, à durée indéterminé, c'est-à-dire un type d’emploi stable qui s’oppose au modèle en vigueur pendant vingt ans de politique d’emploi. Dès lors, la stabilité se configure comme une valeur et non plus comme un problème. Tout au contraire, c’est la solution au problème qui se pose : vouloir lier le volume d’emploi et la création d’emplois à la solidité ou à la fragilité d’un système de garanties des droits des travailleurs. Et il s’agit d’une valeur assumée, partagée, par employeurs et syndicats de travailleurs dans un accord qui propose une bilatéralité obligatoire qui devra se poursuivre dans l’avenir et pas seulement durant les cinq années de validité de ces accords. À partir de 2002, les partenaires sociaux renouvellent ce compromis dans chacun des accords sur la négociation collective qui, chaque année ou tous les deux ans, dans le cadre connu par les Espagnols sous la dénomination de « dialogue social interprofessionnel ».

La dimension collective se fortifie aussi dans cette nouvelle direction des politiques d’emploi à partir d’un projet autonome partagé par le syndicalisme le plus représentatif et le patronat espagnol. La négociation collective devient l’instrument idéal pour favoriser la création d’emplois stables et pour réguler l’emploi atypique au travers d’un pacte assurant une série de garanties d’emploi, spécialement valables lors de la transmission de l’entreprise dans le contexte de la sous-traitance des services, mais aussi dans le recours à des intermédiaires. La négociation collective contribue aussi à élaborer des politiques d’emploi sensibles à la différence de genres, allant même jusqu’à des mesures d’action positive. Elle incorpore également l’âge comme facteur de différences dans le monde du travail. D’autres domaines liés à l’emploi sont attirés par cette force de régulation collective, notamment la formation professionnelle, qui était gérée de manière centralisée par une fondation paritaire soutenue par les pouvoirs publics jusqu’au changement de modèle issu d’une décision du Tribunal Constitutionnel en 2002. Finalement, un système volontaire d’interprétation et d’application des conventions collectives dirigé et organisé par les partenaires sociaux a été créé par un nouvel accord interprofessionnel qui cherche à favoriser tant le règlement extrajudiciaire des conflits que la régulation collective des conditions de travail et d’emploi.

Néanmoins, le changement de voie ne suppose pas d’abjurer les principes de la relation entre système juridique et marché du travail. En effet, l’acceptation de cette nouvelle inflexion de la politique d’emploi mesure son triomphe à l’aune de la progressive diminution des indemnités de chômage à partir de 1997 et de la corrélative création d’emplois. En termes toujours ascendants depuis cette date, il s’est créé plus de trois millions de postes de travail stables en Espagne –avec une tendance à l’accélération après la réforme de la législation du travail de 2006– et le chômage se maintient autour du 8%. Ce phénomène avait pour prix le maintien durant cette même période d’un énorme taux de travail temporaire (31%) qui se réduisait très lentement, ce qui montrait bien que le travail atypique connaissait un développement parallèle et complémentaire à celui de la création d’emplois stables. Plusieurs causes expliquent cette survivance du travail précaire. D’une manière générale, on peut citer l’importance de secteurs comme la construction et le tourisme dans la croissance économique espagnole, mais aussi l’extension de formules de décentralisation organisatrice des entreprises qui culmine par une utilisation généralisée de la location de services comme manière d’externaliser le travail de l’entreprise. De façon plus spécifique, les différentes administrations publiques -gouvernées par la droite politique comme par le centre gauche– ont montré un certain enthousiasme face à la privatisation des services publics par des formules de décentralisation productive, avec la précarisation de l’emploi qui en découle. Ainsi, tandis que la part du travail précaire recule dans le secteur privé, elle augmente, par contre, dans le secteur public jusqu’à atteindre quasiment 25% de l’emploi dans les différentes administrations et organismes publics. De même, l’insertion dans marché du travail espagnol des deux millions d’immigrants durant les quatre dernières années, fait que la forme courante d’emploi pour ce type de travailleurs est un contrat temporaire, mais progressivement renouvelé dans le temps accompagnée d’une fréquente rotation dans les emplois les moins qualifiés. La routine du patronat dans la gestion du personnel et la bienveillance des tribunaux en matière d’utilisation en chaîne des contrats précaires contribuent aussi à ce résultat.

Donc, la vérification des effets des réformes du droit du travail semble découler de manière apodictique du comportement -positif– du marché de travail. La relation est profonde et montre plusieurs continuités entre le raisonnement qui a induit le complexe de culpabilité du droit de travail, accusé d’être un freine à l’initiative économique, à l’investissement et à la création d’emplois. Maintenant le droit du travail se présente de manière plus douce, soi-disant vertueuse. En effet, avec le maintien inaltéré de la manière classique d’adaptation du travail salarié aux besoins permanents de l’entreprise, un type spécial de contrat à durée indéterminée soutenu par des aides et des subventions publiques. Le nouveau contrat de promotion de l’emploi stable apporte avec lui une réduction du montant de l’indemnisation prévu par la loi en cas de licenciement « pour causes objectives » déclaré illégitime par le juge. La réduction est relativement prudente, de 45 jours par année de travail, qui est la formule générale pour le licenciement illicite, à 33 jours avec un maximum de deux ans de salaire, mais elle est plus importante pour ce qu’elle suggère que pour ce qu’elle prescrit. Elle suggère – c’est un non dit de l’accord, mais tout le monde le connaît – que, si dans un futur proche le volume du travail précaire se réduit, la formule de réduction du coût de l’indemnisation du licenciement individuel pourrait se généraliser dans une norme légale du droit du travail. Pourtant, ceci ne s’est pas fait parce que la promesse implicite dans l’accord ne s’est pas accomplie, de façon tout de même ambiguë comme le montrent les données économiques disponibles. Mais surtout, quand, en 2002, la droite politique au pouvoir a voulu avancer dans cette mise en relation entre réduction du coût de licenciement et sa prétendue corrélation, « l’amélioration de l’emploi », en envisageant une réforme qui éliminait des éléments très importants de l’indemnisation du licenciement, la riposte syndicale sous forme de grève générale fit que la loi n’a pas repris une grande partie de ces réductions du coût de licenciement, reculant ainsi sur ce qui avait été établi par décret-loi, postérieurement annulé par le Tribunal Constitutionnel en raison de la violation de la formalité constitutionnelle de l’urgence dans l’adoption de la mesure.

Par conséquent, une certaine solution stable, à partir du « tournant » de 1997, a été trouvée entre le droit de travail et le marché de travail, même si la validité des règles du droit du travail est toujours appréciée en fonction de leur effet sur le niveau d’emploi. Or, cette nouvelle version du problème est très remarquable tant par la présence des formes de contrat à durée indéterminée et par le contrôle de l’utilisation des formes atypiques d’emploi que par l’importance de la dimension collective dans le modèle de cette stratégie et son application concrète. La dimension collective de la régulation du travail et de l’emploi se consolide comme tendance à préserver, tout comme le besoin du dialogue social comme manière de régler les conflits. Ainsi, l’initiative politique de tout gouvernement –et notamment du gouvernement issu des élections de 2004– en matière de réforme de la législation du travail, est conditionnée par l’accord entre les partenaires sociaux, et selon les termes que ceux-ci définissent dans leurs compromis. Les événements traumatiques pour l’économie mondiale –et pour l’économie espagnole en particulier– à partir de l’été de 2008, ne semblent pas avoir altéré l’essentiel de cette conclusion.

4.- Les espaces décollectivisés, les sujets faibles.

Ce processus historique a produit des espaces de régulation où l’on peut constater une inégalité très grande dans les conditions de travail et de vie. Dans le paysage après la bataille, des espaces décollectivisés, peuplés de sujets faibles, apparaissent en raison de l’absence du niveau de tutelle ordinaire ou normale dont bénéficie normalement le travail salarié et qui est rendu obligatoire par notre Constitution. Généralement, on distingue deux grandes espaces de protection nulle.

Le premier est le territoire de la précarité. C’est une condition transversale, qui ne coïncide pas nécessairement avec le caractère temporaire de la relation de travail, mais qui lui est dans une large mesure juxtaposée. Le travail est inaccessible au conflit et à l’action syndicale même si elle est inclue dans l’orbite de la régulation collective, qui commence à généraliser des clauses de garantie et de continuité dans l’emploi. Le travailleur précaire continue à être ancré dans la représentation individualisée de son intérêt. Il se soumet, normalement quand son lien contractuel a disparu, à une tutelle judiciaire de moins en moins incisive.

Le syndicat éprouve de grandes difficultés à agir directement en direction des travailleurs précaires. Il trouve aussi des obstacles et des incompréhensions dans une partie de sa base sociale quand il tente de réunifier les deux collectivités de travail ou au moins de les rapprocher en termes de temps de travail, de salaire et de conditions de travail et d’emploi. La régulation légale en matière de représentation sur les lieux de travail empêche le syndicat de répondre efficacement aux défis que lui posent les déplacements de travailleurs dans le cadre de contrats de location de services et de sous-traitance, les travailleurs mobiles et itinérants, l’intermittence dans la prestation de travail et les autres modes d’organisation de la production qui ne répondent pas au schéma fordiste sur lequel ont été construits les modes de représentation et l’organisation syndicale dans les entreprises. De plus, la précarité s’étend au-delà du travail, dans une dimension territoriale que le syndicat commence à explorer par le développement d’un versant sociopolitique de son action : logement, transports publics, éléments qui sont très communs dans la conflictualité sociale dérivée de ces conditions de vie et où le syndicat envisage de plus en plus fréquemment un nouveau espace d’action.

Le deuxième est le champ du travail non subordonné, les prestations de services qui sont qualifiées juridiquement de travail indépendant et qui donnent lieu au phénomène de « deslaborización[2] », connu comme « fuite du droit de travail ». Même s’il n’atteint pas l’amplitude quantitative du travail précaire, son contenu symbolique est très important, parce qu’il sert la tendance à situer dans la sphère du travail autonome les nouvelles occupations et emplois, avec un certain degré de qualification, que la société de la connaissance ou des services engendre. Dans ces cas, on peut apprécier une incompatibilité radicale entre la protection qu’offre le cadre institutionnel du contrat du travail et la capacité contractuelle créative qui qualifie différemment une prestation de services pour une organisation d’entrepreneurs dans les nouveaux secteurs productifs. Il est normal d’expliquer ces manifestations de « deslaborización » -ou de « réversibilité » de la protection- sur la liberté contractuelle dans un marché de services qui, lui aussi, est libre, mais la réalité des faits est plus complexe et elle questionne l’unilatéralité de l’entreprise dans la détermination du régime juridique applicable à la prestation de services.

Ce phénomène a souffert récemment en Espagne d’un processus de décantation législative avec une norme qui proclame sa condition alternative à la régulation ordinaire du travail pour autrui : le Statut du Travailleur Autonome qui s’oppose au Statut des Travailleurs. Pour les travailleurs autonomes, la norme décrit une espèce, celle de l’autonome économiquement dépendant, dotée d’un régime de tutelle faible dont la garantie individuelle est confiée aux tribunaux. Pour eux, on imagine aussi une dimension collective singulière où des associations professionnelles et syndicats concourent pour cet espace représentatif, et où il se génère des formes de négociation collective ancrées dans le schéma du mandat civil qui refusent donc la force obligatoire et collective de la négociation des conditions de travail de ces autonomes subordonnés. Cette honteuse dimension collective devrait nécessairement être surpassée par l’action syndicale des grandes organisations de travailleurs, mais celles-ci ont besoin encore d’un peu de temps pour reformuler sa stratégie, quant à ces secteurs, qui risque le tout ou le rien de l’inclusion/exclusion dans l’ordre juridique du travail et qui, maintenant, va se développer dans ce territoire ambigu d’une situation de non protection relative de ces travailleurs. La norme privilégie néanmoins la dimension individuelle de cette tutelle à laquelle se juxtapose un schéma pur de représentation civile volontaire. La construction sur cette base d’une vraie dimension collective est prévisible, mais elle sera conflictuelle et en tout cas elle constitue un nouveau champ de jeu inexploré par l’action syndicale.

Le réformisme politique et l’action syndicale doivent ainsi affronter la question de la gestion de ces espaces de non protection où se trouvent des sujets privés des éléments basiques du système de droit du travail, des individus atomisés, dotés seulement de leur capacité personnelle d’agir et éloignés –culturellement et psychologiquement– de l’action collective et solidaire. Ceci nous amène à questionner la fonction que la tutelle du travail et la place que le syndicalisme représentatif et ses formes d’action occupent dans nos sociétés et à incorporer aux préoccupations relatives au travail et à l’emploi un autre type de perspective qui s’exprime en termes d’exigences de vie et de condition de citoyenneté pleine et entière.

5.- Le futur n’est pas derrière nous.

Les contes moraux supposent normalement des fins heureuses ouvertes vers l’avenir. Mais les perspectives sont toujours difficiles et le juriste doit alors assumer les fonctions de prophète ou de voyant. Parfois s’expriment des craintes de démolition ou de ruine du bâtiment normatif et social dénommé « modèle social européen ». Le ton de ces (pré)visions du futur est obscur, on peut même évoquer à la manière d’Umberto Romagnoli un « climat de désespoir et de lamentations ». Il est vrai que pour ceux qui étudient le droit du travail au quotidien, il est difficile de digérer les changements incessants du discours politique depuis les années quatre-vingts du dernier siècle dans l’onde (néo)libérale, avec l’exaltation du marché comme élément de régulation sociale auto referant, la construction de la centralité de l’image sociale de l’employeur créateur de richesse, et la civilisation du bénéfice privé. On peut presque évoquer un certain « syndrome pessimiste » des juristes du travail européens du début du vingt et unième siècle, que certains attribuent à une nostalgie du passé. Comme me disait une historienne et grande amie – récemment disparue – Marisa Loring : «avant, quand nous étions plus jeunes, le futur était plus beau ».

Certes, la pensée conservatrice – qui , comme on le sait, n’est pas seulement patrimoine de la droite politique– aimerait que les juristes du travail s’installent dans un discours ancré pour toujours dans le temps présent. Dans un présent conformiste qui n’admet ni modifications ni transformations dans le futur. Un présent conçu comme destin, parce que tout ce qui aurait pu être changé est déjà changé, il est donc dans le passé, derrière nous.

Par contre, le droit du travail est un constructum qui a seulement un sens s’il s’installe dans un processus de changement permanent qui joue un rôle de stimulation politique des principes de solidarité, égalité et émancipation sociale. Ce sens est aujourd’hui en pleine actualité et suscite des initiatives et des défis à l’action du réformisme politique et au projet de société que soutient le syndicalisme représentatif européen. Une vision démocratique de la société qui se base sur le respect, l’ampliation des droits des travailleurs et la limitation de la richesse et du pouvoir économique sur la base d’un nivellement des inégalités sociales. Les derniers événements de l’été 2008, qui ont montré les doses d’irrationalité et de tromperie dans les mécanismes de financiarisation de l’économie, ne font que confirmer cette manière de voir les processus sociaux. Tout commence aujourd’hui.

6.- Les lectures qui accompagnent le voyage.

Il existe nombre de références doctrinales sur le sujet traité. Ce sont les lectures qui accompagnent le voyage, encore plus indispensables pour un si long voyage. Elles servent parfois à conforter nos positions, parfois à les contraster.

Il est évident que le point de départ de ce travail, l’ « orientation vers l’emploi » du droit du travail et sa « mise en accusation », est partagé –peut être même suggéré – par les travaux d’Antoine. Jeammaud sur ce sujet. Le lecteur intéressé trouvera un bon résumé de cette perspective dans A. Jeammaud, Le droit du travail confronté à l’économie, Dalloz, Paris, 2005, et plus particulièrement « Le droit du travail dans le capitalisme, question de fonctions et de fonctionnement » (ibidem,pp. 15 ss.). Pour unn exposé encore plus articulé de la relation entre droit du travail et marché du travail, voir dans A. Baylos, « Mercado y sistema jurídico laboral en el nuevo siglo », dans G. Gianibelli et O. Zas (coords.), Estudios de Teoría crítica de Derecho del Trabajo (Inspirados en Moisés Meik), Bomarzo Latinoamericana, Buenos Aires, 2006, pp. 63 ss.

Quant au système espagnol, les 80 premières pages du livre de J. Pérez Rey, Estabilidad en el empleo, Trotta, Madrid, 2004, constituent encore aujourd’hui une lecture indispensable pour comprendre, de façon critique, l’évolution normative et les politiques juridiques centrées sur la stabilité de l’emploi comme garantie centrale du travail salarié de 1977 à 1997. Le récit incorpore toute la période du gouvernement d’Aznar, racontant donc les derniers avatars législatifs qui donnèrent lieu à la grève générale de 2002. Il s’agit donc d’un texte qui devrait être lu comme complément au récit fait dans cette contribution.

De manière plus spécifique, l’ère de la flexibilité a produit quelques travaux qui continuent à être utiles au-delà de la connaissance qu’ils donnent du débat tel qu’il se déroulait dans les années quatre-vingts du dernier siècle. Ainsi, le volume dirigé par Mª. E. Casas Baamonde, « Estudios sobre flexibilidad laboral y nuevos comportamientos sindicales », publié par la Revista de la Facultad de Derecho de la Universidad Complutense nº 14 (monographie), Madrid, 1988, qui incorporait les contenus d’un séminaire italo-espagnol sur le droit du travail très révélateur d’un type de pensée critique des juristes du travail, à l’époque original. Les termes du débat s’appuyaient, dans une perspective justificatrice des réformes législatives, sur les notions de « dérégulation » et la formule canonique de la « flexibilité ». L’étude qui présente de manière plus intelligente – et synthétique – cette question est celle de M. Rodríguez-Piñero, « Flexibilidad, juridificación y desregulación », Relaciones Laborales nº 5 (1987), p. 1 ss ; une version revue qui profite d’autres apports au débat plus directement liés à la pensée économique patronale, dans S. del Rey Guanter, « Desregulación, juridificación y flexibilidad en el derecho del trabajo : notas para la caracterización de un debate », dans J. Rivero Lamas (Coord.), La felixibilidad laboral en España, Universidad de Zaragoza, 1993, pp. 51 ss. Dans ce même volume et dans la même ligne, l’introduction du livre est très révélatrice, sous la plume de son coordinateur, J. Rivero, soue le titre « Política de convergencia, flexibilidad y adaptación del Derecho del Trabajo » (ibidem, pp. 9 ss.). La « voie espagnole vers la flexibilité » a aussi été étudiée sous une perspective comparatiste. Le livre plus intéressant de ce point de vue est celui dirigé par M. D’Antona, Politiche della flessibilità e mutamenti del Diritto del Lavoro : Italia e Spagna, ESI, Napoles, 1990, témoignant du dialogue italo-espagnol sur ces politiques, même s’il ne se limite pas au seul cas espagnol, et aux politiques de réforme des années quatre-vingts en Europe. Encore aujourd’hui, s’avère très stimulante la lecture de l’ouvrage collectif, dirigé par L. Mariucci, Dopo la flessibilità, cosa ?, Il Mulino, Bolonia, 2006.

Suivant le parcours de toutes les initiatives de réforme de la législation du travail en Espagne, celle qui commence en 1994 sous le gouvernement socialiste, contre la volonté des syndicats, a provoqué un grand nombre d’interventions des juristes du travail en Espagne. En plus de la contestation sociale que la réforme apporta, la division entre le mouvement syndical et la gauche politique et le gouvernement et le partit socialiste eut des répercussions sur le débat doctrinal, produisant une rupture politique très nette dans le « juslaborisme » espagnol qui déboucha sur une lutte pour l’hégémonie culturelle. Ce thème se prolongea en 1997 par l’affirmation, surprenante pour beaucoup, d’un espace de dialogue social entre le syndicalisme confédéral et le patronat espagnol, ce qui impliqua un tournant en matière d’emploi et de négociation collective. Dans la production doctrinale des juristes du travail, ce fait apparaît alternativement comme un moment important de récupération de l’action syndicale et de réalisation d’un projet autonome de protection de la stabilité de l’emploi, ce qui implique l’interdiction pratique des éléments de flexibilisation de la réforme de 1994, ou comme la conséquence inévitable de la restructuration des règles qui organisent la relation entre norme étatique, autonomie collective et pouvoir patronal, et par là même la chronique annoncée d’un prévisible développement du dialogue social autour des thèmes centraux de la réforme, c’est-à-dire le marché du travail et la négociation collective.

Cette disparité doctrinale dans ce qui était considérée jusque là comme la doctrine du travail progressiste peut se voir dans l’ouvrage dirigé par F. Valdés Dal-Re, La reforma del mercado laboral, Lex Nova, Valladolid, 1994 –et spécialement dans la contribution de J. Matía, « Sentido y alcance de la reforma de la legislación laboral » (pp.14 ss) dans la monographie de Gaceta Sindical dirigée par A. Martín Aguado, « Reflexiones jurídicas en torno al nuevo modelo de relaciones laborales », GS nº 198, juin 1994. Peu après, quelques travaux unifient dans leurs titres les deux processus de réforme, même si celui dirigé par E. Rojo Torrecilla Las reformas laborales de 1994 y 1997, Marcial Pons, Barcelona, 1997, est, en réalité, un ensemble de textes qui examinent le développement légal et conventionnel à partir de 1994 et incluent un premier regard sur la réforme de 1997. Sur cette réforme, M. Rodríguez-Piñero, « La reforma legislativa anunciada y el Acuerdo Interconfederal para la Estabilidad en el Empleo », Relaciones laborales nº 9 (1997), pp.1 et ss., et Valdés Dal-Re, « La legislación laboral negociada entre la concertación social y el diálogo social », dans le volume La reforma pactada de las legislaciones laboral y de Seguridad Social », Lex Nova, Valladolid, 1997, pp. 23 et ss. Par contre, d’autres écrits qui signalent la césure entre ces manifestations réformistes, présentent une vision très critique de la réforme de 1997, dans le volume édité par l’Asociación Española de Iuslaboralistas, Las reformas laborales de1997, Aranzadi, Pamplona, 1998.

Les événements les plus récents sont l’objet de présentations générales, telles celles de M. R. Alarcón, « Reflexión crítica sobre la reforma laboral de 2001» et C. Palomeque, « La versión 2001 de la reforma laboral permanente », les deux dans Revista de Derecho Social nº 15 (2001), respectivement pp. 5 et 39 ss.. La réforme de 2002 et la grève générale qui s’en suivit unifia une autre fois le regard critique des juristes du travail espagnols, comme on peut le constater dans les interventions réunies sous le titre « Sobre el RDL 5/2002 de 24 de mayo », dans Revista de Derecho Social nº 18 (2002), pp. 235 ss. Quant au dernier élément du processus de réforme du droit de travail , est conseillée la lecture qu’en fait J. Pérez Rey, « El Acuerdo para la mejora del Crecimiento y del Empleo : primeras reflexiones acerca de su contribución a la calidad de trabajo », dans Revista de Derecho Social nº. 34 (2006), pp. 245 ss.

D’autres aspects disséminés tout au long du texte auraient mérité une note, mais seuls quatre points seront retenus. Le premier concerne l’analyse théorique de la signification politique et démocratique de la reconnaissance constitutionnelle du droit au travail. Sur cet aspect, l’article d’Umberto Romagnoli reste éclaircissant « Del derecho del trabajo al derecho para el trabajo », Revista de Derecho Social nº2 (1998), pp. 11 ss. Un deuxième point vise le contrôle juridictionnel du travail temporaire, frauduleux ou simplement illicite, où la jurisprudence espagnole s’est montrée particulièrement inefficace –sinon directement complice- de la mauvaise utilisation des formes contractuelles à durée déterminée L’analyse critique de ce processus et les tendances jurisprudentielles en la matière se trouvent sous la plume de J. Pérez Rey, La transformación de la contratación temporal en indefinida. El uso irregular de la temporalidad en el trabajo, Lex Nova, Valladolid, 2004. Le troisième sujet s’intéresse à l’expression « fuite du droit du travail », expression de Miguel Rodríguez Piñero dans un célèbre article, publié dans Relaciones Laborales, Tomo I, pp. 91 ss., et repris dans un chapitre du livre dirigé par M. R. Alarcón et Mª. M. Mirón, El trabajo ante el cambio de siglo : un tratamiento multidisciplinar, Marcial Pons, Madrid, 2000, intitulé « La « Huida del Derecho del Trabajo » : tendencias y límites de la deslaboralización » (pp. 35 ss.), où nous décrivons les tendances législatives qui ont procédé à l’expulsion de certaines prestations de services du système juridique de tutelle du travail salarié et les limites (relatives) que la jurisprudence constitutionnelle a imposé à ce processus d’exclusion de droits. La littérature sur la nouvelle régulation du travail autonome à partir de la Loi de 2007 est très ample et oscille entre la description de la norme et les prévisions sur ses effets non vérifiables à cause de l’insuffisante expérience des institutions légales créées, spécialement en matière collective. Ulrich Zachert a participé au début de ce débat lors d’une intervention sur « Trabajo autónomo : el ejemplo alemán », publié dans la Revista de Derecho Social nº 22 (2003), pp. 9 ss., mais l’ouvrage le plus important à présent est celui dirigé par Jesús Cruz et Fernando Valdés, El estatuto del trabajo Autónomo, La Ley/Kluwer, Madrid, 2008. En conclusion, l’allusion finale au « climat de désespoir et de lamentations » qui accompagne une grande part de la littérature relative à la précarité et qui est présentée comme une donnée sensible d’une certaine tendance au pessimisme des juristes du travail, elle a pour origine un article d’ Umberto Romagnoli traduit en espagnol, « Y de pronto es ayer (sobre la precariedad de las relaciones laborales) », Revista de Derecho Social, nº 38 (2007), pp. 13 ss.

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[1] Ce travail est basé sur une intervention effectuée durant le séminaire « Dimensione individuale e collettiva del Diritto del Lavoro. Transformazioni dell’ impresa e mercato di lavoro » qui s’est déroulé à la Faculté des Sciences Politiques de l’Université de Bologne, les 24 et 25 septembre 2007, dans le cadre du vingtième anniversaire de la revue Lavoro e Diritto. Ce texte est dédié à mon ami et respecté collègue Ulrich Zachert, qui appartient à l’élite des juristes européens du travail et qui, par sa capacité de recherche, sa lucidité académique et son sens du compromis social et politique, a toujours été un exemple pour l’équipe de recherche de l’Université de Castilla La Mancha.
[2] Littéralement, ça signifie “perte de la condition de salarié ».

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